• Chapitre 1

    - T'es sûr que ça ne te dérange pas de bosser aujourd'hui ?
    - Non, Phi, sourit un jeune homme derrière le comptoir d'un petit café coloré et chaleureux. Je te l'ai dit, plus je bosse et plus j'économise.
    - Certes, mais bon... souffla une femme en se tournant pour voir le ciel qui s'était assombrit depuis quelques heures, faisant fuir la moitié de leur clientèle. J'allais fermer, vue le temps on ne va pas avoir grand monde...
    - S'il pleut on pourra leur proposer des boissons chaudes à moitié prix, proposa le jeune homme, un sourire moqueur sur le visage.
    - Oh toi ! fit la femme en le pointant du doigt. Tu me côtoies depuis trop longtemps mon petit !
    - Tu déteins sur moi, Phi. J'y peux rien, pouffa le jeune homme, faisant sourire sa patronne.

    La femme éclata de rire quand un long éclair zébra le ciel, les faisant sursauter tous les deux.

    - On attendra pour le moitié prix, je crois qu'on va surtout devoir fermer et protéger l'établissement, fit la femme. 

    Soudain, les téléphones se mirent à sonner. Une alerte tempête s'afficha sur leurs écrans, rendant plus catastrophique encore ce que la météo n'avait annoncé en début de journée.

    - Allez les enfants ! s'exclama la patronne en frappant dans ses mains. On se met au travail ! Une tempête arrive, on doit protéger le magasin et vous pourrez tous rentrer chez vous ! N'Sea, va vérifier que les portes derrière et celle qui mène à la réserve soient toutes bien fermées.
    - J'y vais ! répondit le jeune homme, quittant son comptoir au pas de course.

    Des tempêtes, il n'en avait pas connu dans le pays, hormis des tempêtes médiatiques ou politiques, mais la météo était beaucoup trop chargée en pollution et chaleur pour qu'il connaisse vraiment de tempête comme celle-ci. Le son du tonnerre lui donna des frissons glaçant. Il devait se dépêcher de tout surélever dans la réserve et de fermer tous les accès.
    Il quitta l'arrière boutique pour foncer vers une petite annexe où se trouvait le stockage et dut prendre un certain temps pour tout mettre dans des sacs hermétiques ainsi que sur les plus hautes étagères. Il débrancha les machines pour les mettre en hauteur, s'assurant qu'il n'y avait plus rien dedans, vérifia les accès de la pièce avant de la fermer à clé, de la protéger depuis l'extérieur et s'occupa de bloquer les autres portes et fenêtres avant de revenir pour aider à mettre le matériel de la boutique, sur les comptoirs.

    - Tout es bon ?! s'exclama la patronne quand elle le vit revenir.
    - Oui, Phi ! J'ai tout débranché et protégé ! répondit-il.
    - Bien ! Vous devez partir  avant que ça ne nous piège tous ici !
    - Et vous ? demanda une femme. Vous allez faire quoi ?
    - J'habite au dessus ! Je devrais être tranquille, mais vous habitez tous loin ! Allez ! Dégagez
    d'ici ! s'exclama la patronne en souriant. Restez en sécurité et tenons-nous au courant !
    - Faites attention à vous Phi ! s'exclama Sea.
    - Toi aussi mon grand ! 

    Sea se précipita vers sa moto garée sur le parking des employés. Ils regarda ses collègues courir dans tous les sens, rentrer dans leurs voitures ou attraper les bus qui passaient par-là avec précipitation pour faire le plus de ramassage avant que la ville ne soit totalement paralysée. 
    Un bruit de craquement se fit entendre à côté de lui. Il tourna la tête et vit un arbre s'effondrer sur la route.

    - Merde... Je peux pas passer par-là ! dit-il en démarrant son engin.

    Sea en avait habituellement pour une petite demi-heure, mais avec la tempête et les orages, il allait en mettre sûrement plus. Il fit alors le tour du pauvre arbre, mais fut vite arrêté par des flics noyés par la pluie torrentielle qui tombait en déluge sur le pays.

    - Vous pouvez pas passer par cette route, Monsieur ! lui cria un homme à travers le rideau de pluie.
    - Mais j'habite par-là moi !
    - Je suis désolé ! Mais tout est bouché ! La rue est très accidentée ! lui répondit le flic. Je vous conseil de passer par le centre-ville et de passer vers la sortie Est !
    - Ça va me faire faire un énorme détour !
    - Vous n'avez pas le choix ! Désolé ! 

    Bon, pensa Sea dépité. J'ai pas trop d'options. Je vais devoir couper avant le centre-ville et passer par les entrepôts. J'espère juste qu'il n'y aura pas d'incident là-bas...

    Il tourna le guidon de sa moto pour prendre la direction inverse, le corps penché en avant, tentant de braver la pluie mortelle, mais surtout pour réussir à y voir quelque chose. Il bifurqua sur la droite et continua pendant un peu plus d'une vingtaine de minutes jusqu'à atteindre les grands espaces des entrepôts. Plus personne ne s'y trouvait, ils avaient dut partir quand l'alerte tempête avait été lancée. Rien de surprenant à ça. Mais Sea devant traverser la grande ligne pour rejoindre au plus vite, la route qui le mènerait chez lui en toute sécurité. Il grimpa sur le trottoir, pénétra sur le terrain et fonça vers le chemin à travers ces bâtiments de taules, mais un bruit sourd le fit freiner très fort, l'envoyant par-dessus le guidon. Il alla rebondir quelques mètres plus loin, sur le bitume. Le souffle coupé, Sea eut beaucoup de mal à reprendre sa respiration. Un deuxième coup fort retentit tout proche de son oreille, le faisant sursauter. Effrayé, il tenta de ramper vers sa moto, mais un autre coup fort ricocha à côté de lui.

    Bordel, mais c'est quoi ça ?! 

    Il regarda là où le bruit s'était arrêté pour voir un impacte de balle.

    - Une balle ? On me tire dessus ?! s'exclama-t-il en panique. 

    Tant pis pour la bécane, il devait l'abandonner ici et se planquer. Et après ? Après ? Il devrait appeler la police ! Un petit problème de rien du tout se posa pourtant, la tempête ! Est-ce qu'il arrivera à capter les urgences et est-ce que les policiers seront assez nombreux pour venir le secourir ?

    BANG ! BANG !

    - Merde ! s'exclama-t-il.

    Tant bien que mal, les côtes endolories, il se leva et boita jusqu'à l'un des entrepôts, étrangement encore ouvert. À peine eut-il mis un pied dans le bâtiment qu'une main se posa sur sa bouche.

    - Tien, tien... Mais regardez ce qu'on attrape aujourd'hui ? ricana une voix masculine derrière lui.

    Un coup derrière sa nuque et, le noir complet.
    Sea ne savait pas ce qu'il faisait là, pourquoi il y était venu... Il se rappelait simplement que c'était le chemin le plus court pour rentrer chez lui, mais la douleur de sa nuque le lançait tellement qu'il eut une nausée assez violente ainsi qu'une grosse migraine. Il ne sentit pas qu'on le trainait sur le sol, rappant la peau de son dos sur les petits cailloux cachés dans la poussière. Il n'entendit pas non plus la pluie qui tentait de percer la taule, telles des petites dagues assassines. Il n'entendit pas plus l'orage qui se déchaînait dehors, faisant vibrer les murs fragiles du bâtiment. Peu importait qui pouvaient être ces gens, ils s'amusèrent à le dénuder et à l'attacher à des chaînes pour le suspendre au dessus du sol. Sea ne vit rien de tout ceci, du moins pendant une bonne trentaine de minutes. Il était complètement déconnecté de ce qu'il se passait autour de lui. Il ne pouvait pas sentir la langue glisser sur son ventre musclé, ni la lame en suivre le même tracé.
    Paralysé dans un monde sombre, il ne se rendit compte de rien, jusqu'à ce qu'il arrive finalement à se réveiller et qu'il ne découvre ce qu'on lui avait fait.

    La douleur de sa nuque, sur ses cuisses, proche de l'aine ou encore le long de son ventre, il avait mal partout et ne pu encore bien voir ce qu'il ce passait. Pourtant, il entendait bien des voix se moquer de lui, sifflant comme pour apprécier la vue. Les sensations commencèrent brusquement à revenir et il sentit que ses épaules et ses bras étaient comme tirés vers le haut, le bloquant entièrement. Ses yeux se réhabituèrent à la luminosité de l'entrepôt et il put enfin regarder autour de lui.

    - Ça y est, la princesse se réveille, lança un homme, faisant rire quelques autres.
    - Sympa ta princesse, Phi ! s'exclama un homme qui faisait cliqueter un pistolet, posé sur sa cuisses.

    Sea réalisa enfin ce qu'il ce passait. On lui avait tiré dessus quand il avait posé sa roue sur le terrain. Il avait fait un sacré vole plané pour retomber lourdement sur les côtes. Deux autres balles avaient été tirées, dont une toute proche de lui. Il avait tenté de s'enfuir pour venir se réfugier dans un des bâtiments de taule, mais quelqu'un avait dû le surprendre et l'avait assommé. Il avait été déshabillé et suspendu. Quand Sea posa son regard sur son corps il se rendit compte du massacre. Il était nu, suspendu au dessus d'un sol mouillé, car l'eau avait réussi à passer sous les accès, le corps frigorifié par l'air ambiant et ensanglanté. Des hommes armés et dangereux, ressemblant à des mafieux, le regardaient comme s'il était la nouvelle poule qu'ils allaient se partager... à la casserole ou littéralement. Le jeune homme était terrorisé et les larmes commençaient à lui brouiller la vue, mais il ne pouvait pas mourir maintenant. Pas aujourd'hui, ni comme ça ! Il n'avait plus ses fringues sur lui, mais les trouva par terre un peu plus loin. Trempées certes, mais au moins ces hommes n'y avaient-ils pas touchés. 

    Il frissonna de dégoût quand l'un d'eux vint poser sa main sur ses fesses et lui malaxa la chaire tendre de son fessier rebondit. Sea avait mal partout et la honte de ce qu'on faisait subir à son corps eurent raison de lui. Il expulsa un jet et en aspergea tous ceux qui se trouvaient à proximité de lui. Non prémédité, il remercia néanmoins son propre corps, lui donnant ainsi un moyen de se libérer. 

    - C'est dégueu ! lâcha un des hommes.
    - Putain, mais quelqu'un l'a mise en cloque la garce pour qu'il nous lâche un truc pareil ?!
    - He ! Empêchez-le de continuer !
    - T'es sérieux là ? Jamais je l'approche !
    - T'es une flipette ou quoi ?
    - Bah vas-y toi !

    Sea commençait à fatiguer. Les entendre s'engueuler lui donna pourtant une bonne occasion pour libérer ses poignets des chaînes, retombant lourdement sur le sol et récupérer juste à temps ses affaires quand il entendit des tire percer la taule de toutes parts.

    - On nous attaque ! hurla un des hommes qui l'avaient retenu prisonnier.
    - À couvert !
    - He ! Il est passé où ?
    - On s'en fout ! Il doit être mort !

    Sea rampa entre les tonneaux stockés dans le hangar pour se cacher, mais des voix s'approchant, il décida de courir dans le sens inverse, quitte à se prendre une balle perdue, il voulait sortir de cet enfer et ne plus jamais en entendre parler.

    Quand il revint au niveau de l'endroit où il avait été suspendu, il ne se rendit pas compte que le sol poussiéreux était recouvert de sang. Ses larmes silencieuse et sa peur lui brouillaient l'esprit, le faisant courir à l'aveugle jusqu'à ce qu'un coup très fort, semblable au tonnerre, ne fasse vibrer tout le bâtiment.

    Sea ouvrit la porte par laquelle il était entré, pour affronter la tempête. Mais face à lui, plusieurs hommes se tenaient autour du bâtiment, armes aux poings, bras tendu devant eux, le visant. Un homme se tenait devant cet atroupement, offrant son visage au déluge avant de reporter son attention sur le pauvre jeune homme, tremblant de peur, pris au piège.

    - Qu'avons-nous là, fit l'homme, plongeant son regard dans l'effroi de Sea qui n'osa plus bougé, se sachant condamné. Qui es-tu petite souris ? Qu'est-ce que tu fous là ?
    - Je... 

    Sa gorge était trop serrée pour qu'il arrive à répondre correctement. Il fouilla dans ses poches à la recherche de son téléphone sur lequel il tapa un message. Il les entendit gronder de mécontentement. Pensaient-ils qu'il était en train d'appeler les flics ? S'il avait put le faire, Sea les aurait appelé bien plus tôt.

    - Qu'est-ce que tu fais, petite souris ? demanda l'homme avec une pointe de curiosité dans le regard, marchant vers lui.

    Sea tourna son téléphone et le lui envoya, refusant qu'il n'approche plus. Le jeune homme avait trop subi pour encaisser encore plus de torture.
    Sur le téléphone, l'homme put lire :

    "J'étais sur le chemin du retour. On m'a tiré dessus, j'ai fait une chute, là où il y a la moto. J'ai voulu me cacher le temps d'appeler la police, mais on m'a assommé. Je me suis réveillé suspendu au dessus du sol, nu avec des coupures un peu partout... Pitié, je veux juste rentrer chez moi et ne plus penser à rien..."

    L'homme releva son visage pour voir Sea flancher.

    - Embarquez la petite souris, ordonna-t-il.

    Sea chercha à riposter, mais ses forces l'abandonnèrent et il s'évanouit.

    - Chef, venez voir.

    L'homme s'approcha et découvrit que le garçon ne lui avait pas mentit. Tout son corps était couvert de sang et on pouvait voir les endroits où ces chiens l'avaient tailladés.

    - Ramenons-le en vitesse, ordonna-t-il calmement. Vérifiez qu'il n'en reste aucun.
    - À vos ordres chef !

    Ne sachant par quel bout prendre Sea, les hommes de mains se regardèrent perplexe. L'homme soupira, s'accroupit, passa ses bras derrière lui pour le soulever contre son torse et quitta les lieux.

    - Récupérez sa bécane. On la fera réviser chez nous.

     

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