• Chapitre 4

    Une voiture sombre se gara devant un immeuble en piteux état. Sea vivait vraiment là ? Jimmy n'en revenait pas, surtout que l'immeuble semblait vouloir s'effondrer à tous moments. Mais pourquoi s'en soucierait-il ? Sea n'était qu'un patient qui s'était retrouvé dans coincé dans une histoire morbide dont il avait réussi à se sauver.

    Un homme sortit de la voiture, se posta à côté de la portière qui s'ouvrit. Il déploya son parapluie et aida le passager à descendre avec prudence.

    - Ta moto est devant ton appartement, s'exclama une voix à travers la pluie furieuse. Tu as dans ton sac tout le traitement nécessaire !
    - Merci, Phi ! s'exclama Sea au médecin qui resta dans sa voiture.
    - Prends soin de toi, petite souris.

    Sea s'inclina, mains jointes devant lui en prière, lui montrant du respect avant de partir pour se mettre à l'abris, l'homme en costume le suivant. Une fois devant la porte du hall, Sea tapa son code et entra.

    - Je dois monter pour m'assurer que vous êtes en sécurité, lui dit l'homme.

    Inquiet, il ne pouvait pas refuser, sachant que le médecin les regardait, il accepta d'un léger mouvement de tête. Ils se dirigèrent vers des escaliers et grimpèrent jusqu'au troisième étage où Sea eut l'agréable surprise de voir sa moto devant sa porte.

    - Ma moto ! s'exclama-t-il, tel un enfant recevant le cadeau qu'il attendait depuis des années.
    - Le mécano du Chef a tout vérifier. Elle est comme neuve.
    - Merci beaucoup, sourit l'étudiant dans tous ses états.

    Mais cette joie disparue quand il voulut ouvrir sa porte et qu'il remarqua que cette dernière n'était pas verrouillée.

    - Euh... P-Phi, l'un d'entre vous a forcé ma porte d'entrée ? demanda-t-il, peu serein.
    - Hm ? Non, on avait l'ordre de déposer la moto une fois qu'elle serait prête, répondit l'homme.
    - Alors pourquoi elle est ouverte ?

    L'homme de main vit la terreur dans le regard de l'étudient. Il sortit son flingue et lui ordonna de venir se mettre derrière lui, le temps qu'il inspecte l'intérieur.
    Rien ne semblait avoir été volé. L'appartement était clean, comme si le jeune homme avait simplement oublié de fermer la porte, mais l'instinct de l'homme armé le poussa à inspecter en profondeur le petit logement de l'étudiant.

    - T'as de la famill ou des amis qui peuvent t'héberger ? demanda-t-il à Sea, resté sur le pas de la porte.
    - Je n'ai aucune famille, mais au café il y a des appartements pour les employés en transit.

    L'homme tira sur sa manche pour murmurer quelque chose :

    - Chef, on va devoir le déposer ailleurs. Visite. Ok, petit. Prends quelques affaires et on te conduira à ton boulot.
    - Qu... Quelque chose ne va pas ?
    - Mieux vaut être prudent, répondit simplement l'assassin sans en ajouter d'avantage.

    Il laissa passer Sea et le suivit du regard tandis que le jeune homme attrapa un sac de sport pour y fourrer son nécessaire de toilette et des vêtements ainsi que ses cahiers et livres de cours, un long tube où devait se trouver des maquettes pour ses études, pensa l'homme de main.

    - Y a quoi dedans ? demanda-t-il tout de même.
    - Oh, ça ? Je travaille sur un projet pour entrer dans une grosse société. Je dois vous montrer ?
    - Je préfère m'assurer qu'il n'y a rien de planqué à l'intérieur. Simple formalité.
    - Oh... B-Bien-sûr...

    Il n'était pas à l'aise, Sea n'avait jamais montré à quiconque sur quoi il travaillait depuis si longtemps, mais sentant que l'atmosphère dans son appartement avait changé, il préféra ne pas chipoter et défit l'attache du tube, en retira le bouchon et fit tomber sur le sol tous les plans qu'il contenait.

    - Il n'y a vraiment rien de sensible dans tes documents, petit ?
    - Non, pourquoi ?
    - Dis moi, c'est quoi le nom de la société que t'essaie d'intégrer ?
    - TK Holdings.

    Quand il le vit souffler, visiblement très irrité, Sea sentit une certaine angoisse monter en lui.

    - J'ai fait quelque chose de mal ?
    - Tu as déjà montré des extraits de tes travaux à quelqu'un ?
    - Oui, dans mes mails. J'avais même demandé un rendez-vous et ils m'ont fait venir y a deux semaines pour un premier entretien chez eux.
    - Je crois qu'on va devoir changer de plans. Je te ramène à la voiture. Prends tout avec toi.

    Cette fois il n'y avait plus aucun doute pour l'étudiant, quelque chose n'allait vraiment pas. Savoir qu'il allait devoir côtoyer un peu plus longtemps ces hommes dangereux ainsi que leur mystérieux chef, l'angoissait encore plus. Il voulait vivre une vie tranquille, il y travaillait depuis si longtemps qu'il avait l'impression de ne l'avoir jamais expérimenté et ce, uniquement avec l'incident de la veille dans l'entrepôt. Dépité, Sea ramassa ses affaires, rangea ses plans dans le grand tube qu'il reboucha, puis suivit l'homme sombre qui gardait son flingue à la main. Que lui était-il arrivé ? Que ce passait-il réellement dans sa vie pour que tout parte dans tous les sens ?

    L'assassin attrapa le guidon de la moto qui attendait sagement devant l'entrée. Ils redescendirent, traversèrent le rideau de pluie, pour mettre l'engin dans le coffre avec le sac de sport. Sea garda le tube qui contenait les plans de son travail d'étude, précieusement contre lui, entra de nouveau à la place passager arrière.

    - Te revoilà, petite souris, dit le médecin.
    - Chef... commença l'assassin qui avait guidé Sea jusqu'à son appartement, une fois installé à sa place.
    - Tu as déjà mangé avec des assassins ? demanda le médecin à l'étudient.
    - J'ai l'air d'avoir déjà expérimenté ce genre de choses ? rétorqua Sea qui se sentit un peu plus à l'aise avec l'homme qui devrait, pourtant, l'effrayer.

    Jimmy eut un sourire en coin.

    - On rentre. ordonna-t-il.
    - Je ne vais pas au café ?
    - Non. À moins que t'aies une envie de mort imminente, dit Jimmy.
    - Encore moins... 

    Amusé, Jimmy éclata de rire, surprenant ses hommes, installés à l'avant du véhicule, qui se jetèrent des regards effarés. Sea le trouvait vraiment sexy, surtout quand il riait...

    Oh, mais tais toi ! se fustigea-t-il mentalement.

    Le véhicule se remit en route, sans savoir que quelqu'un les regardait. Une voiture démarra immédiatement après eux, traquant le gros 4x4 qui fonça à travers la pluie torrentielle, jusqu'à un quartier que jamais, Sea n'aurait cru visiter ne serait-ce qu'une fois dans sa vie. Mais au lieu de se diriger vers une maison, ils bifurquèrent, prenant un chemin qui les mena vers un logement plus sobre que le principal.

    Arrêtés, tous descendirent, Sea étudia les lieux, à la fois en panique et curieux. Son regard se posa timidement sur les colonnes qui retenait une devanture typée chinoise, cette caractéristique des vieilles maisons du pays.

    - Jimmy ! entendirent-ils.
    - Ma' ! dit l'homme en prenant une femme dans ses bras. 
    - Tu aurais pu nous prévenir que tu viendrais dîner, le gronda-t-elle, non sans montrer un sourire éblouissant.
    - Ce n'était pas prévu, du moins pas ce soir. Mais j'ai dû ramener du travail avec moi.

    Il s'écarta pour lui faire rencontrer l'étudiant.

    - Bonjour, Madame, dit Sea en la saluant avec respect, les mains jointes en prière devant lui.
    - Bonjour, qui est-ce ?
    - Un jeune garçon qui a bien faillit finir en repas.

    Le sourire de la femme disparu aussitôt, réalisant ce que son fils venait de dire et l'horreur que ça impliquait.

    - C'est lui que cherchait Gil cette nuit ?
    - Oui. C'est le témoin que tout le monde cherche à récupérer.
    - Fais le entrer. Viens mon petit ! s'exclama la femme à Sea en l'invitant à entrer pour se mettre à l'abris dans la grande maison.
    - Je...

    Jimmy lui adressa un sourire moqueur. Il s'amusait de la situation et l'étudiant ne savait pas comment réagir face à la situation, mais comprenant qu'il était au centre d'une affaire très dangereuse, il se dit qu'il valait mieux pour lui de suivre cet homme et sa mère. Peut-être pourraient-ils le protéger et lui expliquer ce qu'il ce passait.
    À l'intérieur, il fut immédiatement pris en charge par la femme qui lui proposa d'aller se doucher dans une chambre à l'étage, tandis qu'elle préparerait un déjeuner. Il s'excusa, timidement et suivit ce qui devait être la femme de ménage, vers l'étage. Elle lui ouvrit une porte pour le faire entrer dans une chambre propre, sobre possédant une salle de bain attitrée. Sea la remercia et la femme referma la porte, lui laissant le temps de digérer ce qu'il venait de se passer. Soudain, il se rendit compte qu'il n'avait plus son téléphone portable avec lui, pris de panique il se mit à fouiller son sac de sport, ses poches, mais rien.

    Il descendit en trombe pour s'exclamer :

    - Phi ! Je ne trouve plus mon téléphone ! Je l'ai peut-être oublié au dispensaire...
    - Rassure-toi, lui répondit Jimmy, assis dans un fauteuil du salon. C'est moi qui l'ait.
    - Quoi  ? Mais pourquoi ?
    - Par précaution. Va te doucher, on verra le reste après.
    - Mais... J'en ai besoin pour prévenir ma patronne que je vais bien ! s'écria-t-il. On devait se tenir au courant ! Savoir que tout le monde était en sécurité...
    - Va te doucher et te changer, répéta Jimmy, lui lançant un regard appuyé. Je te le rendrai après.

    Sea voulu argumenter, mais se ravisa. À quoi bon ? Il n'avait aucun pouvoir ici et en général. Il se trouvait dans la maison d'un assassin, d'un meurtrier qui l'avait pourtant sauvé et soigné. Le jeune homme fit demi tour, remonta vers sa chambre, ferma la porte à nouveau et se précipita dans la salle de bain pour une bonne douche chaude salvatrice.

    En bas, Jimmy s'amusait. Il aimait voir les réactions du jeune homme et ce que ça provoquait en lui. 

    - C'est étrange de te voir sourire, fils.

    Jimmy joua avec le téléphone, ne répondant rien à sa mère, esquissant un sourire plus serein sur le visage.

    - C'est bizarre pour moi aussi, Ma'.
    - Que lui est-il arrivé exactement ? Dis moi tout. demanda la femme, inquiète pour ce garçon débarqué de nul part.
    - Je l'ai trouvé hier soir, sortant d'un des entrepôts, les vêtements quasi déchirés, du sang partout et il avait l'air effrayé. raconta-t-il, perdant son sourire, fronçant même les sourcils. Il a tenté de me dire quelque chose, mais a préféré me l'écrire sur son portable.
    - Qu'est-ce qu'il a écrit ?
    - Tout ce qu'il avait vécu. Il avait dut faire un détour, un arbre était tombé sur le chemin qu'il prenait habituellement. Il connait le coin alors il a voulu couper par les entrepôts, mais il ne s'attendait pas à se faire tirer dessus en pleine tempête.
    - Oh mon Dieu...
    - Il a été expulsé de sa moto et s'est fêlé une côte en touchant le sol. On a continué à lui tirer dessus, l'obligeant à se cacher dans un des bâtiments. À peine entré, il a été assommé.
    - Pauvre petit...
    - Quand il s'est réveillé, il était nu, suspendu par des chaînes, des hommes s'amusaient à le taillader vivant.
    - Stop ! l'implora sa mère sur le point d'exploser en sanglots. Comment peut-on faire ça à un être humain ?
    - Madame, intervint un des hommes de son fils. Je crois qu'il a été ciblé.
    - Que voulez-vous dire, Malik ?
    - Il m'a dit travailler sur un projet pour TK Holdings.
    - Je ne comprends pas...
    - Les hommes qui s'en sont pris à lui font partit de TK Holdings. Ma' ce sont des cannibales.

    Ses yeux s'écarquillèrent d'horreur, comprenant petit à petit ce qu'il se tramait.

    - Je... Je vais appeler ton père.

    Elle se leva et se dirigea vers la cuisine, pour composer le numéro de son époux.

    - C'est moi. Tu dois rentrer. Non, ça ne peut pas attendre. Ton fils est là avec... quelqu'un. Non, c'est au sujet de cette nuit. 
    - Ma' ! entendit-elle. Demande lui de venir seul ! 
    - Tu l'as entendu ? Je t'en supplie, dépêche toi...

    Alors qu'elle raccrochait, Jimmy avait quitté son fauteuil pour venir la prendre dans ses bras. Elle se tourna pour cacher son visage contre son torse, tremblante comme une feuille.

    - Il a survécu, dit-il. Je sais pas encore comment, on a pas abordé cette partie de l'histoire. Mais il est soigné et en bonne santé.
    - C'est arrivé chez nous, dit-elle.

    Ce n'était pas tant le fait que leur territoire avait vue une scène aussi inhumaine, mais c'était surtout qu'en tant que mère, elle avait vu Sea comme si ça avait été Jimmy. Comment aurait-elle réagit si son fils avait fini pris au piège par ces gens ? Rien qu'à l'imaginer, elle se sentait sur le point de s'évanouir.

    - Je suis en sécurité, Ma', murmura Jimmy contre ses cheveux, serrant cette femme qu'il aimait plus que tout au monde, contre lui. Je vais bien et lui aussi.

     

    *** 

    Chapitre 3 -  Chapitre 5