Partie 5

 

 

- Les Alphas... murmura Fluke assis dans leur canapé.

 

Les deux hommes de mains venaient de les raccompagner chez eux et leur avait recommandé d'appeler leurs patrons pour les remercier.

 

Mais quand ils s'étaient retrouvés seuls, ils n'avaient réussi à rien faire, encore sous le choc de la veille : l'agression, le kidnapping et le sauvetage improbable... Tout ça n'avait aucun sens pour eux.

 

- Nous sommes sur leur territoire, réalisa Earth qui se souvenait encore du regard menaçant de l'aîné quand son poing s'était écrasé sur son agresseur et ce même regard fou qu'il lui avait jeté pour s'assurer qu'il allait bien.

 

Ce regard là ne pouvait tromper les émotions qui l'avait animé ce soir-là.

 

Son cœur battait à la chamade, le mettant dans tout ses états, mais un coup d'œil à son colocataire lui appris que ce dernier avait déjà commencé à émerger. Il le trouva au téléphone, discutant avec son patron pour lui expliquer sa situation, même si il avait peu de chance d'être entendu.

 

Quand il raccrocha, Fluke était dévasté par ce que son patron venait de lui annoncer. Le regard larmoyant du jeune comédien ne mentait pas : il avait été viré.

 

- Il m'a... remplacé... Je ne fais plus partie de la pièce...

- Oh non, je suis désolé Fluke...

 

Earth sentait toute sa peine et toute sa rage se mêler dans son esprit, faisant battre confusément son cœur. Il voulait aider son ami, mais savait très bien qu'il ne pouvait rien  faire.

 

Il se décida à appeler son employeur également et bizarrement, la nouvelle fut bien prise.

 

- Comment allez-vous ? Savez-vous qui c'était ?

- Non, d'après nos sauveurs, ce n'étaient que des mafieux mineurs mais je ne suis pas trop au fait de tout ce monde.

- Dans quel quartier habitez-vous ?

- Sur le territoire des Mesakogwen.

- Les Loups ? Oh, vous êtes donc entre de bonnes mains. Je devrais me présenter à eux pour les remercier d'avoir sauver mon employé. Avez-vous été blessé mon garçon ?

- Euh... oui, j'ai le poignet et le bras droit immobilisé pour un mois.

- Ils ont osé vous faire du mal ?

 

Earth sentit un colère vibrer dans la voix crispée de son interlocuteur. Confus, Earth préféra raconter les faits tels qu'il les avait vécu, omettant quelques détails qu'il garda jalousement pour lui. Bien que son employeur fut plus compréhensif avec lui que le patron de Fluke ne l'avait été avec son ami, le mafieux restait dans une colère contenue.

 

- J'irais rendre une petite visite aux jeunes loups pour discuter avec eux de la situation. En attendant, reposez-vous jusqu'à ce que je vous rappelle.

 

Intrigué, Earth bafouilla.

 

- Je... Je ne suis pas viré ?

- Viré ? Pourquoi Diable ?!

- Je... Mon ami, qui était avec moi vient d'être viré à cause de cette histoire.

 

Un silence pesant lui répondit. Au bout d'un moment, il entendit :

 

- Je vous rappellerai dans la journée. Prenez soin de vous... tout les deux...

 

Puis il raccrocha.

 

- Il t'as dit quoi ?

- Je... Il ne me vire pas mais il veut aller voir les Alphas pour présenter ses respects et... venir ici pour parler travail.

 

Le regard presque éteint de Fluke lui brisa le cœur. 

 

Fluke était content pour son ami que son employeur, même rival de territoire du clan des deux frères, le garde toujours à son service. Mais il ne put s'empêcher de le jalouser quelque peu, se fustigeant intérieurement de n'avoir su être plus vigilent quand à cette histoire. Et Earth s'en mordait les doigts de se sentir soulager alors qu'à côté de lui son ami était brisé et il le connaissait assez pour savoir à quoi il pouvait bien penser en cet instant.

 

Ce qui le blessa le plus était de savoir que son ami n'irai jamais lui dire ce qu'il avait en lui pour se soulager, il se sentait si impuissant et minable face à Fluke dans ce genre de situation. Quand ce dernier se leva, il s'excusa un besoin urgent de se doucher sachant pertinemment que le comédien allait sans doute vider son esprit et son corps de toutes les mauvaises nouvelles qui l'avait accablé en l'espace d'une nuit.

 

Il lui sourit gentiment mais savait qu'il allait falloir à Fluke beaucoup de soutient et de temps pour s'en remettre et retrouver l'ami timide mais jovial qu'il connaissait et aimait tant.

 

Tandis que Fluke prenait sa douche, des coups retentirent sur la porte. Apeuré, Earth resta muet, pensant qu'un de leurs agresseurs revenaient pour finir ce qu'ils avaient commencé.

 

Il se recroquevilla sur le canapé jusqu'à ce qu'une voix qu'il reconnu ne l'interpelle :

 

- C'est nous, Miles et Trip ! s'exclama la voix de l'homme à lunettes.

 

Earth soupira, soulagé qu'ils n'étaient pas leurs agresseurs.

 

Il se leva, les jambes flageolantes dû au choc de la nuit, il tituba jusqu'à atteindre la porte d'entrée qu'il ouvrit pour apercevoir les deux hommes de mains qui n'étaient pas venus seuls. Le regard sévère de Kao le transperça, ravivant en lui une chaleur importune qui chassa l'inconfortable froideur qui avait recouvert tout son corps.

 

Il s'effaça pour les laisser entrer, les précéda tout tremblant vers le canapé. Son pieds cogna malencontreusement contre la table basse mais un bras ferme et chaud l'empêcha de se fracasser sur le sol. Le pichet posé sur la petite table vacilla dangereusement mais fut stabilisé in extremis par le cadet.

 

Earth s'installa sur un coin du canapé, les invitant à prendre place sur ce qui leur servait de fauteuils et autres assises.

 

- F-Fluke est s-sous la douche, bredouilla le jeune homme qui sentait beaucoup trop les doigts chaud de l'aîné, pénétrer la fine couche de vêtements qu'il portait depuis la veille.

- Vous connaissez un certain Trikanowit ? lui demanda l'aîné.

- Euh... Ou-oui, c'est mon employeur. Je... J'ai été engagé hier pour refaire sa villa. répondit Earth, quoi que perturbé par la question.

- Nous avons reçu un appel de sa part demandant une rencontre afin de savoir si nous acceptons que vous puissiez continuer à travailler sur la rénovation de sa maison. expliqua Ohm.

- Earth ! s'exclama la voix de Fluke, tu as vu mon... sac...

 

Le jeune comédien déboula dans le petit salon, le corps trempé et une serviette ceignant sa taille fine dévoilant ainsi un tatouage s'étalant sur le haut de ses pectoraux ainsi que sa peau légèrement dorée marquée du mauvais traitement de la nuit qui fit presque gronder Ohm fou de rage mais dont le corps se tendit de manière beaucoup trop violente à son goût. 

 

Il se stoppa net avisant qui se trouvait dans son salon.

 

- D-Désolé, j'aurai dû attendre...

- Ton sac est sur mon lit ! s'exclama Earth.

- Merci !

 

Il fit demi tour aussi sec, laissant à Ohm le loisir de détailler son dos, la chute de ses reins et le tatouage qui lui grignotait l'omoplate. Même de nouveau seul dans la chambre de son ami, il sentait encore le regard incandescent du cadet sur son corps dénudé.

 

[...]

 

Ohm se sentait nerveux.

 

Depuis la veille, le souvenir de ce garçon les yeux bandés, le corps poussiéreux, les vêtements en piteux états dû aux gestes des rustres qui les avaient embarqué pour la seule raison qu'ils étaient mignons et que la vente aurait été fructueuse pour les kidnappeurs.

 

Ce souvenir là ne le quittait plus mais surtout, le regard qu'il lui avait lancé dans la boîte de nuit puis quand ils s'étaient retrouvés dans l'entrepôt et dans cette chambre... Ce regard là ne le quittait plus depuis des heures et l'avait même empêché de dormir. C'était une obsession qui, si elle s'étendait, risquait de le tuer.

 

Kao n'en menait pas large non plus. Ils s'étaient retrouvés tôt se matin dans la cuisine déserte, les yeux cernés par le manque de sommeil et le corps étrangement contracté d'un besoin mystérieux de retrouver ces deux garçons qu'ils ne connaissaient ni d'Eve ni d'Adam.

 

Quand Fluke revint totalement habillé,  Ohm put retrouver un semblant de respiration.

 

Trip se leva pour saluer le comédien, mais le regard éteint de ce dernier l'alarma.

 

- Que pouvons-nous pour vous ? demanda t-il en s'installant à côté de son ami.

 

Les quatre hommes se dévisagèrent.

 

- Apparemment mon employeur les a appelé.

- Oh il l'a vraiment fait ?

- Visiblement.

 

Les deux garçons se turent, la tête baissée.

 

Le silence pesant qui régnait en cet instant était dérangeant. Personne n'osa dire quoi que ce soit, s'observant les uns les autres jusqu'à ce que le téléphone de Ohm ne se mette à sonner.

 

- Oui ? D'accord, on arrive.

 

Une fois raccroché, il se redressa de toute sa taille, dominant le comédien qui se sentit encore plus petit qu'il ne l'était déjà.

 

- Ils sont arrivés.

- Dans ce cas. Allez vous préparer quelques affaires, vous venez avec nous, déclara l'aîné le regard dur planté dans celui de l'architecte.

- Euh... P-Pardon ?

- Monsieur Trikanowit est arrivé et il souhaite nous parler ainsi qu'à vous. annonça Ohm. Toute fois, il a mentionné votre ami et un certain soucis à régler.

 

Fluke tiqua, il releva la tête vivement pour croiser le regard fauve du mafieux qui le dominait de toute sa hauteur.

 

- Avez-vous besoin d'aide ? proposa Trip.

 

Earth fut le premier à réagir, il se redressa et pris son ami par le bras pour le diriger vers sa chambre.

 

- Mais qu'est-ce que tu fais ?

- Écoute, je ne sais pas ce que veut mon patron aux Alphas, mais si il a pris en compte ce que j'ai dit par rapport à toi c'est qu'ils veulent nous aider. De plus, on leur doit ça. Je te rappelle que nous vivons en sécurité sur leur territoire et grâce à leur intervention hier soir nous avons évité le pire.

 

Fluke croisa les bras sur sa poitrine, faisant mine de réfléchir.

 

Les deux chefs de clan étaient intervenus pour les sauver, eux qui n'étaient personnes. Le comédien savait pertinemment ce que cela signifiait. Ils leur devaient allégeance. Leurs vies appartenaient à ces deux mafieux, mais est-ce qu'il avait vraiment envie d'offrir une vie de servitude à ce genre de personne, perdant l'occasion de faire ce pourquoi il avait tant travaillé ?

 

Mais... 

 

Sur cette réflexion quelque chose n'allait pas. Il n'était plus un comédien. L'agression de la veille et son manque de professionnalisme avaient fait qu'il avait retiré de la pièce.

 

Face au visage sérieux de son ami, Earth lui entoura les épaules de son bras valide pour lui apporter son soutient.

 

- Ils ne peuvent pas être aussi violent que Less, lui dit-il.

- Je sais, mais...

- Écoute, on ne peut pas s'enfuir et tu es quelqu'un de bien trop droit pour oser faire ce genre de chose, donc prenons nos affaires et on les suit. On avisera le moment venu, d'accord ?

 

Fluke regarda son ami qui ne semblait pas plus fier que lui de ce genre de situation même si au fond d'eux, ils savaient que c'était la seule chose à faire.

 

Ils prirent quelques affaires et retrouvèrent les quatre hommes debout dans le petit salon.

 

Les deux hommes de mains les débarrassèrent de leurs sacs et fut les premiers à partir.

 

- Nous n'avons pas trop le choix, soupira Fluke si bas que Ohm avait peur de ne pas l'avoir entendu.

- Nous ne vous ferons jamais de mal, lui promit-il relevant son visage du pouce posé sous son menton.

 

Leurs regards s'aimantèrent comme si ils avaient été fait pour ne jamais se quitter.

 

- Jamais.

 

***

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