• Chapitre 10

    - Dis moi, Sea.
    - Hm ?
    - Comment ça se fait que Nong Jimmy soit aussi "doux" avec toi ? demanda la gérante du café, tandis qu'ils préparaient des boissons pour quelques clients.
    - J'en sais rien. Peut-être parce que je suis pas aussi fragile qu'il le pense, du coup il est moins dur avec moi, répondit Sea, du tac au tac.

    Il ne voulait certainement pas avouer à l'amie de la mère du médecin qu'ils avaient faillit coucher ensemble dès le matin, alors qu'ils ne se connaissent que depuis quelques jours à peine.

    - Tu sais, je connais sa famille, dit-elle. Je n'ai jamais entendu dire qu'il avait été une seule fois "doux" dans sa vie.
    - Il y a un début à tout, répondit Sea, levant haussant les épaules, complètement désintéressé par ce que lui disait sa patronne.
    - Tout va bien ?
    - Hm ? Oh, oui. Je pensais juste à quelque chose.

    Tolong voulut lui poser un peu plus de question quand la clochette de l'entrée retentit.

    - Oh ? Voilà un duo que je n'ai pas l'habitude de voir ! s'exclama une voix féminine que Sea reconnu sans mal.
    - Ma' !

    Il quitta le comptoir pour se précipiter vers la femme et la prendre dans ses bras.


    - Sea, comment tu te sens ? Je n'ai pas eu de nouvelles depuis que vous êtes partit.
    - Je vais bien, répondit le jeune homme, heureux de la voir. P'Jimmy m'a donné une chambre avec une salle de bain.
    - Mon fils n'a pas perdu son sens de l'hospitalité à ce que je vois, fit la femme toute sourire, caressant le dos du jeune homme. Tu as pu te reposer ?
    - Difficilement au départ, mais Phi est resté pour parler avec moi.
    - Bien. Mais pourquoi es-tu ici ?
    - J'ai demandé à Phi de me déposer, je voulais pas rester chez lui à ne rien faire...
    - Je vois, je vois. Tolong !
    - Bonjour, Lana. J'aime beaucoup ton gendre, répondit la patronne en lançant des regards entendu à sa complice qui pouffa.
    - Je retourne travailler, Ma'.
    - Va, fit la femme en le laissant partir. Je dois parler avec ta patronne.

    Sea ne se fit pas prier et déguerpit rapidement pour reprendre son travail, laissant les deux femmes à leurs conversations.

    - Que veux-tu boire ?
    - Comme d'habitude, s'il te plaît, répondit Lana en prenant place autour d'une petite table, dans un coin tranquille du café.
    - Madame ? 
    - Oh ? Lumi, je ne pensais pas te voir ici.
    - Le chef m'a demandé de rester avec le jeune maître, le temps qu'il fasse sa journée, répondit l'homme de main de Jimmy. On est trois à lui avoir été assigné.
    - Qui sont les deux autres ?
    - Kao et Mark. Ils sont là-bas.

    Il montra un côté de la salle où deux hommes étaient installés, la table couverte d'assiettes et de tasses. Ils lui firent un signe de tête discret auquel elle répondit.

    - Jimmy semble très attaché à ce garçon.
    - Y a de quoi. Permettez moi de parler librement, Madame.

    Lana l'invita à prendre place face à elle et à s'exprimer sur la scène du petit déjeuner et les interactions entre les deux jeunes hommes. Lana avait vu juste, et quand Tolong revint, elle put avoir la confirmation que son fils avait trouvé chaussure à son pied. Mais leur histoire n'allait pas être des plus simple, bien au contraire.

    Près de deux heures plus tard, Lana se leva enfin, paya sa consommation, saluant l'homme de main et la patronne avant de rejoindre Sea qui l'avait vu commencer à quitter la boutique. Elle le prit dans ses bras et lui murmura de prendre soin de lui et du médecin.

    - Surtout, ne le laisse pas te mener, montre lui que c'est toi qui porte la culotte, lui dit-elle avant de quitter l'enseigne, pouffant comme une enfant.

    Rouge, Sea se dirigea vers la cuisine pour s'occuper de récupérer une commande qu'on venait de lui signaler être prête à servir.

    Jimmy n'en menait pas large, la concentration était plus que difficile aujourd'hui pour lui. Dès qu'il avait un moment de tranquillité, le jeune homme apparaissait dans son esprit, mais c'était surtout la scène du matin qui s'imposa en lui, rendant son corps plus dur et plus chaud. Il devait se défaire de cette vision, ô combien alléchante et tentatrice, pour rester concentré sur ses tâches du jour. Mais pas moyen pour lui...

    - Chef, tout va bien ? demanda Malik alors qu'il lui apportait de quoi déjeuner dans son bureau du dispensaire.
    - Non, répondit ce dernier sans s'en rendre compte, perdu dans ses dossiers, l'esprit ailleurs. Je n'y arrive pas !
    - Vous voulez faire une pause ? Je peux m'occuper du reste, proposa l'homme en fermant la porte du bureau.

    Malik était le premier à voir rejoint les rangs du médecin. C'était le plus proche de Jimmy et son confident depuis des années, même si ce dernier ne parlait que très peu. Mais depuis l'arrivée de Sea, Malik avait bien put voir les changements de comportement chez son chef. 

    - Jim', l'appela doucement l'homme, debout face au bureau.
    - Je sais pas quoi faire Mal', depuis ce matin c'est un enfer dans ma tête et mon corps ne m'obéis plus...
    - Sea ?

    À l'énoncé de son nom, le cœur de l'assassin fit une embardée et son corps se durcit au point de lui faire mal. Il abattit son poing fermement sur le bureau, mâchoires serrées.

    - Oh ? Tu veux me raconter ?
    - J'ai pas besoin de te faire un dessin sur ce qu'on a fait ce matin... marmonna le médecin, le rouge lui montant au visage.

    Ses oreilles le lançaient, mais il ne voulait pas dire tout haut face à Malik ce qu'il avait bien pu faire dès le matin avec le jeune homme. Ce souvenir envahissait assez ses pensées pour lui gâcher la journée. Il avait même tenté de s'isoler un moment au toilette pour reprendre ses esprits, mais ça n'avait aidé en rien, c'était même l'effet inverse ! Il était désespéré...

    - Dis donc, chef ! s'amusa l'homme en prenant place sur le canapé, allongeant ses bras sur le long dossier. Tu te lâches enfin ? Ce garçon te fait un sacré effet, pas vrai ?
    - Au point où travailler est devenu impossible...
    - Tu veux aller le voir ?
    - Non, Lumi m'envoi un rapport toutes les heures. J'ai promis à Sea de le laisser faire ce qu'il voulait, du moment qu'il n'était pas seul.
    - Tu penses qu'ils vont tenter de l'approcher à nouveau ?

    Jimmy prit un moment avant de lui répondre.

    - Il faut être vigilant avec ces merdes.
    - T'as raison. 

    Quelqu'un toqua à la porte du bureau, la voix de Malik invita la personne à entrer.

    - Monsieur, fit une jeune femme, un dossier contre sa poitrine.
    - Lia, qu'est-ce que vous voulez ? demanda froidement Jimmy.
    - Vous avez une réunion dans quinze minutes et il y a un nouveau patient qui souhaiterait vous voir, rapidement. expliqua la femme en lisant sa fiche.
    - J'arrive, soupira le médecin en se levant de son fauteuil. Malik, prévient Lumi que j'aurai du retard pour aller le chercher.
    - Tu veux que je lui demande de le ramener à la villa ?

    Jimmy réfléchit et fini par hocher la tête, puis quitta les lieux, son homme de main derrière lui. La femme qui les précédait n'aimait pas trop approcher Jimmy, elle en avait même peur, mais il lui arrivait de le trouver gentil, quand il était dans ses bons jours du moins. Elle avait beaucoup de respect pour cet homme, mais il lui faisait peur. Elle ne savait que très peu de choses sur lui, et le peu qu'elle savait du bonhomme, lui donnait très peu l'envie de l'approcher.

    Elle les guida tout de même vers la grande salle de réunion où attendaient beaucoup de monde. Ils se levèrent tous quand le médecin entra pour aller s'asseoir dans son fauteuil. 

    - Bien, fit-il une fois assis. Nous avons approximativement trente minutes pour cette réunion. J'ai un autre rendez-vous qui m'attend. Donc soyons bref.

    Le staff se raidit, comprenant qu'il valait mieux ne pas trop se disperser. Aussi, la réunion se fit assez vite et Jimmy les libéra et se dirigea vers une chambre où il trouva un homme déjà installé dans le lit médicalisé. 

    - J'ai très peu de temps dans mon agenda, donc faut être bref, soupira Jimmy, lassé.
    - Je ne suis pas là pour vous prendre de votre temps, Monsieur Potiwihok, répondit le vieil homme qui tourna un visage à moitié brûlé.
    - Qu'est-ce qui vous amène ici ?
    - Comme vous pouvez le voir, fit ce dernier en montrant la partie de son visage. J'ai été attaqué non loin d'ici par un groupe de jeunes qui, visiblement, avaient une envie de sensations fortes...
    - Je vous conseil du miel.
    - Je vous demande pardon ? fit l'homme surpris.
    - Les flocons de neige c'est bien mieux avec du miel, répondit Jimmy.

    L'homme pensait pouvoir duper le médecin qui savait faire la différence entre un ennemi et un ami. Celui-ci n'en était pas un, il était venu avec une idée bien précise en tête et sa répartie était une pique pour voir s'il allait réagir. 

    Touché.

    L'homme se mit en colère et se leva du lit médicalisé.

    - Je ne vous permet pas de m'insulter ! 

    Jimmy souffla et s'avança, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon, se planta devant le faux patient, se pencha pour le détailler du regard et dit :

    - Votre prothèse est en train de se détacher... Monsieur. Diana !
    - Monsieur ?
    - Préparer la note pour notre faux patient et faites le sortir du dispensaire. S'il résiste, Luis sera plus qu'heureux de le mettre dehors pour vous.
    - Tout de suite, Monsieur.

    L'infirmière quitta la chambre et alla taper sur son ordinateur pour préparer une note salée à l'opportun qui avait tenté de tromper son patron. Mais les cris outrés et furieux de l'homme retentirent dans tout le bâtiment. 

    - Ah ! s'exclama l'homme.

    Jimmy l'expulsa de la chambre, le faisant rouler sur le sol de l'accueil. La prothèse colla au carrelage et se décolla du visage de ce dernier, montrant ainsi à tous, la vérité. Il n'était pas blessé et devait être un opposant du médecin qui dirigeait l'endroit.
    Détendu, Jimmy sortit et déclara :

    - La ferme. Il y a des patients ici, des vrais, qui souhaiteraient se reposer dans le calme. Diana, c'est prêt ?
    - Oui, fit l'infirmière en lui tendant la feuille de soin depuis l'arrière de son comptoir.
    - Eh bien, voici ce que vous nous devez pour fraude, déclara l'assassin. Si vous voulez bien ramasser votre merde et régler la note.

    Les hommes de mains, présents dans le dispensaire, entourèrent le faux patient qui sentit la sueur couler le long de son cou.

    - J-J-Je... Vous... Vous entendrez parler de moi ! hurla-t-il.
    - Nous serons enchantés de vous recevoir, Monsieur le ministre, déclara Jimmy, tout sourire.

    L'homme se figea et il paniqua quand il s'aperçu que tous les témoins qui regardaient la scène, commençaient à discuter de ce que venait de dire le médecin.

    L'homme partie en trombes.

    Cependant, Jimmy dit :

    - Envoyez la note au cabinet du ministre.
    - Tout de suite, Monsieur.
    - Chef, l'interpela Malik. Le jeune maître a fini. Il nous attend.
    - D'accord. Bon travail tout le monde ! Reposez-vous bien.
    - Rentrez bien, Monsieur ! s'exclama le staff ainsi que les quelques patients présents, tous saluant le médecin qui quitta les lieux.

    Une des infirmières vint voir celles du comptoir et demanda :

    - Vous savez qui c'est le "Jeune Maître" ?
    - Aucune idée, lui en répondit une.
    - Peut-être un patient VIP... proposa l'autre.

    Jimmy était énervé et avait besoin de retrouver l'étudiant qui avait, il l'espérait, dut passer une meilleure journée que la sienne.

    Arrivés devant le café, ils trouvèrent la boutique fermée et quatre hommes attendre, discutant tranquillement. Jimmy baissa sa vitre et siffla. Ni une ni deux, Sea su qu'il allait devoir user de patience avec lui. Ils se précipitèrent pour embarquer et le véhicule resta silencieux jusqu'à arriver à la villa. De là, Sea attrapa la main du médecin pour le tirer jusqu'à sa chambre, devant les yeux effrayés et surpris des hommes de mains.

    À l'intérieur, Sea ferma la porte et vint le prendre dans ses bras. Jimmy poussa un long soupir, s'accrochant au jeune homme qui lui caressait les cheveux avec douceur.

    - Qui t'as embêté ? demanda le jeune homme.
    - Un con qui pensait pouvoir me tromper, gronda Jimmy, le visage caché contre son cou.
    - Tu as une baignoire dans ta chambre ?
    - Hm ? Oui, pourquoi ?
    - Tu as besoin d'un bain et depuis que je vis seul, j'ai jamais pu en profiter.

    Jimmy sourit.

    Secrètement, il remercia son jeune ami de cette idée pour le détourner des sombres pensées qui pullulaient dans son esprit.

    - Je vais te manger si tu fais ça, le prévint l'assassin d'une voix rauque.
    - Je sais...

     

    ***

    Chapitre 9 - Chapitre 11