• Chapitre 2

    La journée avait mal commencée.

    Les alertes tempêtes pleuvaient depuis trois jours sur les téléphones, mais ce matin-là... La plus grosse tua presque tous les portables à force de hurler. Dans le dispensaire médical, un homme émergea avec difficulté. Entre son travail en tant que médecin et celui d'assassin pour l'Organisation, son train de vie était le moins sain. Mais ce qui le mettait sur les nerfs étaient surtout le fait qu'il devait assister à une réunion et rencontrer des gens qu'il n'appréciait pas du  tout. 
    Pourtant, il allait devoir y aller, car la traque qu'ils avaient commencé, une semaine auparavant, allait se complexifier avec la météo en colère.

    L'homme alla se doucher, s'habilla avant de se servir une tasse de café et partit en direction des chambres du dispensaire, pour y faire son tour d'inspection avant de quitter les lieux.

    - Bonjour, dit-il à une vieille patiente qui lui offrit un radieux sourire.
    - Oh ! Bonjour Docteur Potiwihok ! 
    - Comment ça va aujourd'hui ? demanda l'homme en vérifiant les machines et les liquides qui en découlaient au compte goutte.
    - Oh, vous savez... Pour une vieille femme comme moi, vous voir dès le matin est ce qui me fait tenir un peu plus longtemps.

    L'homme sourit et lui indiqua que ses constantes étaient bonnes. 

    - Une infirmière va venir faire vos soins et vous donner votre petit-déjeuner. Je lui ai demandé de glisser une petite douceur pour vous, dit-il sur le ton de la confidence.
    - Oh ! minauda la vieille femme heureuse.
    - Bonne journée, prenez soin de vous.
    - Vous aussi. Ah, Docteur Potiwihok, pouvez-vous dire au gardien de revenir pour le match de ce soir ?
    - Kilin ? Je lui dirai.
    - Cet homme est un monstre en apparence, mais est une véritable crème avec une pauvre mourante comme moi.
    - Kilin est ce qu'il y a de plus guimauve, confirma le médecin avant de quitter la chambre et de passer à une autre.

    Le dispensaire n'était pas très grand, en comparaison d'un hôpital classique ou de village, mais possédait assez de chambres pour une partie de l'Organisation et tout le nécessaire médical pour le faire tourner comme un véritable petit hôpital.
    À sa tête, Jimmy Jitaraphol Potiwihok, un jeune médecin de trente ans qui officiait comme conseillé et assassin pour l'Organisation depuis sa plus tendre enfance. Ayant toujours rêvé de devenir médecin pour venir en aide aux plus démunis, il avait dut juguler son état de mafieux avec ses études. Ses entrainements mortels et sanguinaires contrastaient avec ce qu'il étudiait, mais parfois, quand le Boss ou son père revenaient blessés, Jimmy s'attelait à mettre à profit ses nouvelles connaissances. On lui apportait, de temps en temps, des corps sans vie ou tout fraichement décédés pour qu'il puisse en apprendre plus sur l'humain et son anatomie complexe.

    Cet homme avait réussi avec beaucoup de travail et d'acharnement à obtenir ses diplômes de médecine et le Boss lui avait même offert, pour le féliciter, un terrain où il y fit construire ce dispensaire. Souvent, les hommes de l'Organisation venaient s'y faire soigner ou opérer, mais la plus part du temps ses patients étaient des habitants du coin ou des SDF qui n'avaient pas les moyens de se procurer des soins couteux à l'hôpital. Jimmy ne faisait pas la charité, tous le savaient. Chaque patient venait avec son propre paiement, pots-de-vin, produits rares et locaux, de l'argent ou encore des médicaments dont il pourrait manquer, etc. 
    Jimmy était un homme étrange, mais c'était le médecin le plus arrangeant et les flics n'osaient venir le déranger. Ce dernier leur donnant, parfois une expertise medico légale sur une scène qui ne concernait pas son Organisation, lui permettant ainsi d'en apprendre le plus possible pour transmettre à son Boss les derniers potins du coin.

    Il avait les yeux, les oreilles du monde mais il maîtrisait surtout le bistouri avec précision. Recoudre, opérer et soigner, etc. Il avait plus d'un talent.

    Après deux bonnes heures à faire son tour puis à assister à une réunion du matin avec le corps médical, il quitta les lieux.

    - Chef ! s'exclama une rangée d'hommes qui l'attendaient.
    - On doit se dépêcher, dit-il en marchant vers une voiture. Une partie doit rester ici et s'assurer que la tempête ne fasse aucun dégât. Le reste me suit.
    - Oui Chef !

    On claqua la portière et les moteurs des véhicules vrombirent, soulevant l'eau qui avait commencer à inonder le sol.
    Les hommes restés sur place se dirigèrent vers l'intérieur et troquèrent leurs tenus d'agents de la Mort pour celles de techniciens, afin de ne pas trop inquiéter les patients présents ou encore, certains membres du staff qui ne les connaissaient pas.
    Ils se répartirent les tâches par binômes et disparurent afin de maintenir le dispensaire loin des soucis que la tempête pourrait leur apporter.

    Dans la voiture qui le conduisait vers le quartier de l'Organisation, Jimmy lisait les différents bulletins météorologiques ainsi que les informations du jour pour savoir où il allait devoir intervenir.

    - Chef, ça va nous tomber dessus dans deux ou trois heures, lui dit le chauffeur, arrêté à un feu, le corps penché sur le volant pour voir à travers le pare-brise ce que donnait le ciel.
    - Ce qui nous donne assez de temps pour en écraser un ou deux et rentrer, souffla le médecin.

    Il prit son téléphone et composa un numéro.

    - Kilin, la dame de la chambre 5 veut que tu viennes la voir pour le match. Assure toi que personne ne la dérange cette nuit. Non, elle ne survivra pas.

    Puis il raccrocha, continuant de feuilleter les derniers nouvelles. Le silence empli l'habitacle. Les hommes qui travaillaient sous les ordres du médecin avaient apprit, avec le temps, que ce dernier n'était pas du genre à parler sans raison. Ses patients ressortaient toujours vivants du dispensaire, sauf pour certains où il arrivait à donner une estimation de leur extinction. Cette vieille femme, les hommes de Jimmy l'aimaient beaucoup. Elle avait toujours des anecdotes à leur donner, s'inquiétait pour eux, même si elle savait ce qu'ils faisaient comme métier. Savoir qu'elle allait mourir en cette journée terrible, attrista le chauffeur.

    - On lui fera une cérémonie et on l'enterrera comme il se doit, déclara alors Jimmy.

    Ils arrivèrent une bonne vingtaine de minutes plus tard au QG et furent accueillit par des parapluies sombres.

    - Doc, ils vous attendent ! s'exclama un homme en déployant le sien au dessus de la tête de Jimmy pour le protéger de la pluie.
    - J'ai fait aussi vite que j'ai pu, gronda ce dernier, peu content.
    - Le Boss le sait, rétorqua l'homme qui n'avait clairement pas envie de se retrouver entre ces hommes-là.

    Ils savaient tous que Jimmy était le plus fourbe et le plus meurtrier. S'il était un médecin c'était pour cacher ce désir de sang qu'il possédait dans ses gènes. Tous le craignaient et pour cause ! Il avait déjà tué plusieurs hommes de l'Organisation pour avoir osé le défier. Toutes les nouvelles recrues qui rejoignaient les rangs de l'Organisation recevaient pour conseils de ne JAMAIS approcher directement Jimmy ni de le confronter. Bien sûr, interdire quelque chose à une forte tête revenait à interdire à un enfant de ne pas manger trop de sucreries ou de ne pas faire de bêtises. C'est tentant de braver les interdits.

    On sait où ils ont terminés... Faut-il faire signer des décharges aux assassins pour une assurance "anti-confrontation avec Docteur Jimmy" ? Sûrement.

    Ils entrèrent dans la maison principale et le médecin fut saluer avec respect et crainte. Ce n'était jamais bon de le voir débarquer ici. Ils grimpèrent un grand escalier pour rejoindre un étage. L'homme qui les avait accueillit ouvrit une porte pour s'effacer et laissa le médecin et ses hommes rentrer.

    - Ah ! Jimmy ! 
    - Bonjour, Pa'. Boss.
    - Tu as pu regarder le dossier ? 
    - Oui. Avec la tempête, je ne pense pas qu'ils iront très loin. Il y a des cachettes un peu partout, mais il nous sera difficile de tout fouiller, expliqua Jimmy en présentant un large dossier détaillé, à son supérieur qui l'ouvrit et le parcouru.

    Dans le grand bureau étaient présents divers lieutenants et hommes de mains de l'Organisation. Certains le saluèrent avec respect, signe auquel il répondit. Quant aux autres, ils se contentèrent de lui jeter un regard. Soudain, la porte s'ouvrit violement, laissant apparaître un homme que Jimmy détestait au plus haut point.

    - Boss ! Me voilà ! s'exclama-t-il comme s'il était le fils prodige rentré de plusieurs années d'expédition.
    - T'es en retard Gil, gronda le Boss.
    - Désolé, mais je suis pas venu les mains vides.

    L'homme faisait deux têtes de plus que le médecin, une carrure deux fois sa largeur. Gil bomba le force, fier de lui en faisant signe à un de ses hommes de balancer quelque chose sur le sol.

    - C'est quoi ça ? demanda le Boss, sourcils froncés.
    - Je l'ai trouvé, rôdant autour du sanctuaire, répondit Gil, aussi fier qu'un paon.

    Tous les regards convergèrent vers Jimmy et son père. Celui-ci reconnu l'homme pour être Kal, son chauffeur qui avait eu pour mission de préparer le matos que le Boss avait mis à disposition pour le dispensaire. Jimmy souffla et dit :

    - J'ai vraiment failli être de bonne humeur aujourd'hui, dit-il. Ça c'est joué à un con près...

    Quelques ricanements se firent entendre dans le bureau, énervant l'homme qui l'étudia du regard.

    - T'as un truc à redire, Doc ?
    - Oui, que t'es un débile profond... C'est Kal, mon chauffeur. J'imagine que tu l'as vu avec des caisses de matos médical, je me trompe ? demanda le médecin excédé.
    - Comment tu sais ?

    Jimmy s'approcha du pauvre chauffeur bien amoché et l'aida à se relever, mais Gil ne semblait pas vouloir le laisser faire.

    - Boss.
    - Gil, lâche-le. Ces caisses, c'est moi qui ait tout mis à dispo pour que le Doc ramène ça à son dispensaire. Kal devait récupérer les caisses pour les mettre dans la voiture. expliqua le Boss épuisé par la débilité de l'homme qui les regarda tour à tour, complètement hébété. 
    - Hein ? Mais... Non ! C'est pas ça ! s'exclama-t-il pour se justifier, pendant que Jimmy récupéra son chauffeur.
    - Malik, ma mallette.
    - Tout de suite Chef ! répondit un homme en arrivant avec un gros sac qu'il présenta au médecin.
    - Kal, assis toi le temps que je te soigne ça. Tu as pu tout ranger ?
    - Oui, Chef. répondit le chauffeur. Quand ils me sont tombés dessus je venais de ranger la dernière caisse de désinfectants.
    - Bien, bien. Lumi.
    - Chef ?
    - Prend Malik avec toi et allez inspecter le tout. Vérifiez que rien n'est cassé ni défectueux.
    - Tout de suite Chef ! s'exclamèrent les deux hommes quittant le bureau au pas de course.

    Le silence qui avait empli la salle, laissa échapper un air glacial sur chacun des hommes présents. Tout ne tenait plus qu'à un fil, si les deux hommes revenaient en annonçant que quelque chose était cassé ou ne fonctionnait plus à cause de l'intervention de la stupidité de Gil et des siens... Le Boss allait devoir choisir un camp pour éviter un carnage parmi les siens.

    L'heure pendant laquelle Lumi et Malik s'absentèrent, Jimmy en avait profité pour soigner son chauffeur. Le Boss de l'Organisation, Kaolon, entama sa réunion.
    Quant on toqua enfin à la porte, une heure plus tard, l'inquiétude revint au galop et la tension se fit plus forte.

    - Entrez ! tonna la voix mal assuré du grand patron.

    Lumi et Malik pénétrèrent les lieux pour envoyer un regard au médecin.
    Gil était tendu comme un arc, s'il apprenait qu'ils avaient encore plus merdé, il n'allait pas s'en sortir. Il resta silencieux un bon moment jusqu'à ce que Jimmy ne lui sorte :

    - J'adore le bruit que tu fais quand tu te tais, Gil.

    L'homme voulu réagir à la provocation, mais le regard noir de Jimmy l'interrompit.

    - Il semble que rien n'ait été cassé, répondit-il enfin.

    Le soulagement était grand, pour tout le monde. On pouvait entendre les respirations se relâcher, signe qu'ils l'avaient tous coupés pendant un moment.

    - Doc', tu prendras l'Est, déclara enfin le Boss pour conclure au plus vite cette réunion interminable.
    - Allons-y. Pa', je te verrai plus tard.
    - Fais attention à toi et salue la vieille de la chambre 5.
    - Je lui dirai. Avant son départ, répondit son fils en quitta les lieux.

     

    [...]

     

    La pluie tombait en torrent, impossible de voir le bout de son flingue qu'il braquait pourtant sur l'un des entrepôts d'où il apercevait de la lumière.

    Après une semaine de recherches, il était enfin parvenu à trouver ces chiens. Des malfrats cannibales qui se jouaient de la race humaine dans le seul but de la dévorer. Il entendit des cris à l'intérieur, quelqu'un avait dut être pris au piège et cherchait à se sortir de là. Si il ou elle était encore en vie, mieux valait pour cette personne, qu'elle soit morte.

    Jimmy ouvrit le feu sur la taule, suivit par ses hommes. Des tirs de réplique retentirent, mais le groupe d'assassins était bien trop gros pour qu'ils perdent le combat. Au bout d'un moment, plus aucun son ne se fit entendre, jusqu'à ce qu'une porte s'ouvre et laissa apparaître un jeune homme débraillé, saignant abondement. Les assassins le mirent en joue, mais Jimmy les arrêta.

    - Tien, que fais-tu là, petite souris ? demanda-t-il intrigué.
    - Je...

    Jimmy devina que sa gorge était trop sèche pour laisser passer le moindre son. Il le vit chercher quelque chose, en sortit son portable pour écrire. Jimmy esquissa un pas, mais le jeune homme lui envoya son téléphone pour qu'il puisse y lire ce que voulait lui dire le garçon.

    - Embarquez-le. ordonna-t-il.

     

    ***

    Chapitre 1 - Chapitre 3